L’Open d’Australie, qui débute dans une poignée de jours, est sans doute le Grand Chelem qui a offert le plus de moments marquants ces dernières années. Pourtant, ce n’était pas gagné…
Crédit photo : Gracchus250, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Méprisé, délaissé, rejeté. Peu importe les qualificatifs, tous peuvent décrire la situation de l’Open d’Australie au début de l’ère Open. Entre la fin des années 70 et le début des années 80, les stars du tennis n’ont que très peu de considération pour le tournoi. "Pour nous, ce n'était pas un tournoi du Grand Chelem, nous ne le considérions pas comme tel", avouait à Eurosport Mats Wilander, trois fois vainqueur à l’autre bout du monde. Même son de cloche chez John McEnroe : "Croyez-le ou non mais, pour moi, il y avait beaucoup d'évènements qui n'étaient pas des Grands Chelems mais que je plaçais bien au-dessus de l'Open d'Australie dont, pour être franc, je n'avais strictement rien à faire."
Bjorn Borg, lui, n’a mis les pieds à Kooyong (la ville qui a accueilli le tournoi jusqu’en 1988) qu’une seule fois, en 1974. C’est comme si aujourd’hui Novak Djokovic, Carlos Alcaraz ou Jannick Sinner faisait l’impasse sur le premier majeur de l’année. Impensable. S’il fallait une autre preuve du manque de considération des légendes de l’époque pour le tournoi, il suffit de jeter un œil au palmarès de l’Open d’Australie à la fin des années 70 et au début des années 80. Intercalés entre les triomphes des légendes australiennes (Rod Laver, Roy Emerson, Ken Rosewall…) et le premier sacre de Wilander en 1983, Roscoe Tanner, Brian Teacher ou encore Johan Kriek comptent parmi les lauréats. Les deux derniers n’ont jamais dépassé le septième rang mondial.
1983, le tournant
Tout change en 1983 donc. Deux éléments permettent d’attirer de nouveau les superstars de l’époque. Grâce à une décision de l’ATP, le tournoi devient plus attractif financièrement*. Par ailleurs, l’Open d’Australie, qui se dispute jusque-là en décembre et parfois même pendant les fêtes, est décalé au mois de janvier et devient ainsi le premier grand rendez-vous de l’année. Deux décisions qui permettent au Happy Slam de retrouver ses lettres de noblesse. Son statut de Grand Chelem redevient indiscutable et les grands champions jouent à nouveau le jeu.
Petit saut dans le temps et nous voilà à quelques jours du début de l’édition 2025. Si dans l’imaginaire collectif Wimbledon ou Roland Garros demeurent encore (un peu) plus prestigieux, l’Open d’Australie est devant ses trois rivaux dans un domaine : ces dernières années, aucun tournoi n’a offert autant d’émotions que le majeur australien. Certes, l’émotion est une donnée subjective qu’on ne peut quantifier et, évidemment, les autres Grands Chelems ont également des arguments à faire valoir. Mais si on fait le bilan de ces 15 dernières d’années et qu’on rembobine jusqu’en 2010, force est de constater que Melbourne nous a offert un paquet de moments légendaires qui appartiennent déjà à la grande Histoire de la petite balle jaune.
Retour de Federer vs le miracle de Melbourne
Par où commencer ? Sans doute par le retour triomphal de Roger Federer en 2017 face à Rafael Nadal, lui aussi en mode come back. En demi-finale de cette même édition, le taureau de Manacor avait écarté la meilleure version de Grigor Dimitrov au terme “d’un des plus grands matchs de l’Histoire” selon John McEnroe. Puisqu’on parle de Rafa, comment ne pas évoquer sa remontée fantastique face à Daniil Medvedev en 2022 dans une finale légendaire désormais baptisée “le miracle de Melbourne”. Celle perdue contre Novak Djokovic en 2012, la plus longue de l’histoire en Grand Chelem, fut tout aussi mémorable.
Décuple vainqueur du tournoi, le Serbe n’a pas été avare non plus en moment frisson à Melbourne, à commencer par ses trois matchs en cinq sets entre 2013 et 2015 contre Stan Wawrinka. Une véritable trilogie, pour reprendre un terme employé davantage dans les sports de combat mais qui ici prend tout son sens. Dernier membre du big four, Andy Murray n’est pas en reste niveau émotion. L’annonce de sa première retraite en 2019 avait logiquement ému la planète tennis et sa petite épopée de 2023, avec en point d’orgue sa remontada contre Thanasi Kokkinakis achevée à 4h05 du matin, restera pour toujours le plus gros frisson tennistique de sa deuxième carrière. A un degré moindre, les dépucelages en majeur de Stan Wawrinka (2014) et de Jannik Sinner (2024) ont eux aussi marqué les esprits.
On peut ajouter à cet inventaire quelques surprises, comme la victoire du très jeune Stefanos Tsitsipas contre Roger Federer (2019) ou encore les parcours inattendus de Aslan Karatsev (demi-finale en 2021) et de Hyeon Chung (demi-finale en 2018). Et les Français dans tout ça ? On ne parlera pas de la finale de Jo-Wilfried Tsonga car elle date de 2008 (soit deux ans avant notre date limite), mais plutôt de sa victoire majuscule contre Novak Djokovic (2010). Sinon, savez-vous quel est le dernier tricolore à avoir atteint les quarts de finale en majeur ? Gaël Monfils lors de l’édition 2022. Et le dernier à s’inviter dans le dernier carré d’un Grand Chelem ? Lucas Pouille lors de l’édition 2019.
Un calendrier et une surface propices aux grands matchs ?
Voilà pour le bilan. Encore une fois, les autres tournois du Grand Chelem ont eux aussi offert des grands moments ces quinze dernières années, mais sans doute pas autant qu’à Melbourne. Comment l’expliquer ? Le positionnement de l’Open d’Australie dans le calendrier n’est peut être pas anodin. En janvier, les joueurs sont frais mentalement et physiquement et donc dans de bonnes dispositions pour nous offrir un grand spectacle. Par ailleurs, les fortes chaleurs enregistrées en plein été austral peuvent rendre les matchs disputés à Melbourne Park encore plus épiques.
On peut également se demander si la surface participe à rendre les matchs plus équilibrés. Même si Novak Djokovic a soulevé le trophée Norman Brookes à dix reprises, le dur de l’Open d’Australie est moins propice à des périodes d’ultra-domination comme la terre battue de Roland Garros (suivez notre regard…). Réputé assez lent, ce dur permet à tous les styles de jeu de s’exprimer : les joueurs offensifs ne sont pas bridés (il s’agit malgré tout d’une surface rapide) et les “rameurs” ou autres “limeurs” peuvent essayer de les embarquer dans des filières plus longues.
Et en 2025 ?
Quoiqu’il en soit, on a hâte de voir quels grands moments de sport nous réserve l’édition 2025. Un énième record pour Novak Djokovic ? Carlos Alcaraz qui complète le Grand Chelem en carrière à seulement 21 ans ? Nick Kyrgios qui emmène les supporters australiens dans sa folie ? Alexander Zverev enfin sacré en majeur ? Arthur Fils ou Ugo Humbert qui claque une demi-finale ? L’acte de naissance d’un jeune loup comme Jakub Mensik ou Joao Fonseca ? Beaucoup d’hypothèses mais une seule certitude : si l’édition 2025 s’inscrit dans la lignée des précédentes, on peut sortir le pop corn… et les mouchoirs.
*En 1983, l’ATP crée le Grand Prix Circuit qui regroupe une quinzaine de tournois (dont l’Open d’Australie). Le joueur qui a le plus performé durant ces tournois remporte un bonus de 600 000 dollars.
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Commentaires
Pour un coup d’essai c’est un coup de maitre
Hadje Nole le 11ème est en route !!!
Je ne savais pas ! Merci banana 🍌
Stylé ce premier banana shot !
Quelle plume